Le doomscrolling, un mot qui associe « doom » (la fatalité) et « scrolling » (le défilement d’une page), décrit l’acte de parcourir de manière compulsive des informations négatives ou anxiogènes sur Internet. Il est devenu un comportement répandu, notamment depuis la pandémie de COVID-19, qui a plongé le monde entier dans une anxiété collective sans précédent. Mais ce qui pouvait sembler anodin à première vue, ou même comme un moyen de se tenir informé, est en réalité un comportement qui peut nuire sérieusement à notre santé mentale. Pourquoi le doomscrolling est-il si addictif, et surtout, comment pouvons-nous y remédier ?
Pourquoi sommes-nous captivés par les mauvaises nouvelles ?
La question centrale est de savoir pourquoi nous sommes si enclins à nous plonger dans une spirale de mauvaises nouvelles, même lorsque cela nous fait du mal. Pour comprendre le phénomène, il faut se pencher sur la psychologie humaine et notre rapport à l’information.
D’un point de vue évolutif, l’être humain est câblé pour prêter attention aux dangers potentiels. Nos ancêtres avaient besoin de rester constamment vigilants face aux menaces pour survivre. Ainsi, notre cerveau est prédisposé à accorder plus d’attention aux informations négatives qu’à celles qui sont positives. Cela explique pourquoi, lorsque nous sommes confrontés à des nouvelles effrayantes ou choquantes, nous avons tendance à les absorber avidement, sans vergogne!
De plus, les algorithmes des plateformes en ligne (Chambre d'échos ou Bulle de filtres) ont un impact direct sur notre tendance au doomscrolling. Les réseaux sociaux et les sites d’information sont conçus pour capter notre attention le plus longtemps possible. Ils exploitent notre curiosité naturelle, notre besoin d’être informés et notre penchant pour le sensationnel. En combinant cela avec des notifications constantes et des titres souvent alarmistes, il devient difficile de détourner les yeux.
Les effets du doomscrolling sur la santé mentale
Ce comportement compulsif a des répercussions bien plus profondes qu’une simple perte de temps. Le doomscrolling est associé à plusieurs conséquences psychologiques négatives, notamment :
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Anxiété accrue : En se concentrant sur les nouvelles négatives, on alimente une perception exagérée des dangers et des crises dans le monde. Cela augmente le stress et peut même entraîner des attaques de panique chez certaines personnes.
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Dépression : Le flux continu d’informations alarmantes peut contribuer à un sentiment d’impuissance et de désespoir. Cela nourrit une vision pessimiste du monde, ce qui peut être un terrain fertile pour la dépression.
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Perturbation du sommeil : Nombreux sont ceux qui pratiquent le doomscrolling avant de se coucher, pensant inconsciemment se détendre. Cependant, l’exposition à des nouvelles anxiogènes et la lumière bleue des écrans interfèrent avec la qualité du sommeil, aggravant ainsi les troubles émotionnels.
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Isolement social : Même si l’on pourrait croire que rester informé nous connecte au monde, le doomscrolling a l’effet inverse. Il encourage l'isolement, car les préoccupations obsédantes concernant les catastrophes et les crises finissent par nous éloigner de nos relations interpersonnelles.
Le doomscrolling : un piège mental
Le doomscrolling ressemble à un piège mental. Plus nous absorbons des informations négatives, plus nous ressentons le besoin d'en consommer davantage, espérant peut-être trouver un article qui apporte une conclusion réconfortante ou une bonne nouvelle pour contrer l'anxiété. Mais ces bonnes nouvelles sont souvent rares, et nous restons piégés dans une boucle sans fin.
Le problème, c’est que le doomscrolling peut nous laisser avec un faux sentiment de contrôle. En nous plongeant dans l’actualité, nous avons l’impression d'agir ou, à tout le moins, de nous tenir au courant pour être préparés. Pourtant, cette illusion de maîtrise ne fait que renforcer notre dépendance à l’information négative.
Comment briser le cycle du doomscrolling ?
Si vous vous reconnaissez dans ce portrait, sachez qu’il est possible de briser le cycle du doomscrolling. Mais comme tout comportement compulsif, cela demande une prise de conscience et un effort conscient. Voici quelques stratégies pour reprendre le contrôle :
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Fixer des limites de temps : Une des premières étapes est de restreindre la quantité de temps que vous consacrez à la consultation de l’actualité. Il existe des applications qui permettent de limiter votre utilisation des réseaux sociaux ou des sites d'information. Essayez d’attribuer un créneau spécifique dans votre journée à l'information, plutôt que de consulter constamment votre téléphone.
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Désactiver les notifications : Les notifications perpétuelles alimentent l’envie de rester connecté en permanence. Désactivez les alertes d’actualité et ne vérifiez les nouvelles qu'à des moments précis.
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Pratiquer la pleine conscience : Le mindfulness (ou pleine conscience) peut aider à contrer les effets du doomscrolling. En vous concentrant sur le moment présent et en apprenant à reconnaître vos émotions et vos pensées sans jugement, vous pouvez diminuer l’impact négatif des nouvelles anxiogènes.
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Rechercher des nouvelles positives : Toutes les nouvelles ne sont pas mauvaises. Il existe des sites dédiés aux informations positives, comme Good News Network ou Le Média positif, qui mettent en lumière des initiatives inspirantes et des événements heureux. Pour le moment, il n'existe pas une vraie plate-forme journalistique francophone dédié aux bonnes nouvelles! Ce qui constitue une vraie "niche" pour aider les internautes à diversifier leurs sources afin de rééquilibrer leur perspective sur le monde.
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Se déconnecter régulièrement : Parfois, la meilleure solution est de s’éloigner complètement des écrans. En vous accordant des moments de déconnexion, que ce soit pour lire un livre, faire une promenade ou passer du temps avec vos proches, vous réduirez l’anxiété liée à l’actualité.
Les avantages d’une approche plus équilibrée de l’information
Apprendre à consommer l’information de manière plus consciente et équilibrée peut avoir des effets bénéfiques considérables sur votre bien-être mental. Cela ne signifie pas que vous devez ignorer ce qui se passe dans le monde, mais plutôt que vous devez être sélectif et prudent dans la manière dont vous absorbez ces informations.
En limitant l'exposition aux nouvelles négatives et en cultivant une vision plus nuancée du monde, vous réduisez le risque d’anxiété et de dépression. Vous pouvez aussi développer une meilleure résilience émotionnelle, ce qui vous permettra de mieux affronter les crises sans vous sentir accablé.
Doomscrolling et IA : une solution technologique ?
Avec les avancées de l’intelligence artificielle, on pourrait se demander si la technologie ne pourrait pas nous aider à mieux gérer notre consommation d'informations. Imaginez une IA capable de suivre vos habitudes de navigation, d'analyser les émotions que suscitent les articles que vous lisez, et de vous proposer une alternative lorsque vous commencez à vous enliser dans une spirale négative. Des applications utilisant l’IA pourraient, par exemple, suggérer des articles plus équilibrés ou même vous encourager à faire une pause lorsque votre navigation devient excessive.
Certaines plateformes explorent déjà cette voie. Par exemple, des outils comme Google Digital Wellbeing ou Screen Time sur iOS permettent de limiter le temps passé sur certaines applications. Ces technologies, combinées à des algorithmes capables d’identifier les schémas de doomscrolling, pourraient offrir un soutien précieux pour éviter de tomber dans ces mauvaises habitudes destructrices.
Conclusion
Le doomscrolling est un phénomène révélateur des défis auxquels nous sommes confrontés dans un monde hyperconnecté.
Bien qu’il soit facile de se perdre dans un flot d’informations négatives, il est essentiel de se rappeler que nous avons le pouvoir de changer nos habitudes. En adoptant une approche plus consciente et équilibrée de notre consommation médiatique, nous pouvons réduire l’anxiété, préserver notre santé mentale, et mieux naviguer dans les eaux tumultueuses de l’information moderne.
Il ne s'agit pas de fuir la réalité ou de se couper du monde, mais de réapprendre à consommer l'information de manière saine. Le doomscrolling, malgré son attrait presque hypnotique, n'a pas à définir nos interactions avec l'actualité. Avec de la vigilance, de la discipline et, pourquoi pas, un petit coup de pouce technologique, nous pouvons reprendre le contrôle de nos pensées et de notre bien-être physique et mental.