L'hypothèse d'un ensemble fini des nombres de Mersenne premiers : une étude analytique

L’histoire des nombres de Mersenne premiers est jalonnée par la recherche acharnée de valeurs spécifiques, souvent gigantesques, qui répondent à la simple formule Mp=2p−1, où p est lui-même un nombre premier.

Ces nombres ont toujours fasciné mathématiciens et informaticiens, non seulement par leur simplicité conceptuelle mais aussi par les défis qu’ils posent en termes de calcul et de vérification. Aujourd’hui, un corpus important de nombres de Mersenne premiers est connu, et l’analyse de leurs propriétés nous offre des pistes pour envisager une question surprenante : et si cet ensemble de nombres était fini ?

Table des rangs des exposants

L'utilisation de la bibliothèque sympy m'a permis de trouver facilement le rang de chaque exposant des nombres de  Mersenne premiers:

from sympy import isprime, primepi
import pandas as pd

# Création du DataFrame
data = {
    "Rang_Mersenne": range(1, 52),
    "Exposant": [
        2, 3, 5, 7, 13, 17, 19, 31, 61, 89, 107, 127, 521, 607, 1279,
        2203, 2281, 3217, 4253, 4423, 9689, 9941, 11213, 19937, 21701,
        23209, 44497, 86243, 110503, 132049, 216091, 756839, 859433,
        1257787, 1398269, 2976221, 3021377, 6972593, 13466917, 20996011,
        24036583, 25964951, 30402457, 32582657, 37156667, 42643801,
        43112609, 57885161, 74207281, 77232917, 82589933
    ]
}
df_Mersenne = pd.DataFrame(data)

# Fonction pour obtenir le rang du nombre premier
def get_prime_rank(n):
    return primepi(n) if isprime(n) else None

# Ajout de la colonne 'rang_prime_number' avec les rangs calculés
df_Mersenne['rang_prime_number'] = df_Mersenne['Exposant'].apply(get_prime_rank)

# Affichage du DataFrame
df_Mersenne

Ce qui permet de trouver cette table:

Index Rang_Mersenne Exposant rang_prime_number
0 1 2 1
1 2 3 2
2 3 5 3
3 4 7 4
4 5 13 6
5 6 17 7
6 7 19 8
7 8 31 11
8 9 61 18
9 10 89 24
10 11 107 28
11 12 127 31
12 13 521 98
13 14 607 111
14 15 1279 207
15 16 2203 328
16 17 2281 339
17 18 3217 455
18 19 4253 583
19 20 4423 602
20 21 9689 1196
21 22 9941 1226
22 23 11213 1357
23 24 19937 2254
24 25 21701 2435
25 26 23209 2591
26 27 44497 4624
27 28 86243 8384
28 29 110503 10489
29 30 132049 12331
30 31 216091 19292
31 32 756839 60745
32 33 859433 68301
33 34 1257787 97017
34 35 1398269 106991
35 36 2976221 215208
36 37 3021377 218239
37 38 6972593 474908
38 39 13466917 877615
39 40 20996011 1329726
40 41 24036583 1509263
41 42 25964951 1622441
42 43 30402457 1881339
43 44 32582657 2007537
44 45 37156667 2270720
45 46 42643801 2584328
46 47 43112609 2610944
47 48 57885161 3443958
48 49 74207281 4350601
49 50 77232917 4517402
50 51 82589933 4811740

 

Éléments de corrélation et linéarité entre le rang et l’exposant

Une première analyse de l’évolution des nombres de Mersenne premiers en fonction de leur rang, tel que montré sur le graphique de linéarité, révèle une corrélation très forte entre le rang d’un nombre de Mersenne et son exposant p.

En effet, dès les premiers nombres, cette corrélation est supérieure à 0,98, ce qui suggère une relation remarquablement stable et linéaire entre ces deux valeurs.

À mesure que la taille de l’échantillon augmente, le coefficient de corrélation entre le rang et l’exposant tend vers 1. Cette tendance linéaire est de plus en plus prononcée, comme le démontre le graphique montrant cette convergence de la corrélation. Avec un ensemble de taille 20, le coefficient atteint déjà 0,998, et pour les ensembles plus vastes, la valeur du coefficient s’approche de 0,9997.

 

Le modèle de régression polynomiale de degré 2 (y=ax2+bx+c) a relevé que les coefficients a et c sont presque nulles.  

Ce qui revient à dire qu'une régression linéaire suffit pour établir une relation entre l'exposant des nombres actuels de Mersennes premiers et le rang :  y = bx où b= 15.5291233.

Nous avons donc :   y ≈ 15.5291 x

 

Interprétation de la linéarité : une relation quasi-prédictive

La linéarité quasi-parfaite entre le rang et l’exposant des nombres de Mersenne connus laisse entrevoir une certaine prévisibilité dans la distribution de ces nombres premiers. Si cette relation était effectivement linéaire et si l'ensemble de ces nombres était potentiellement fini, cela signifierait qu'il existerait un nombre maximal d'exposants premiers p capables de produire un nombre de Mersenne premier, au-delà duquel les nombres ne répondraient plus à cette particularité. Ce postulat nous amène à la conjecture d'un potentiel "dernier" nombre de Mersenne premier.

 

 

Implications théoriques d’un ensemble fini

Si l’ensemble des nombres de Mersenne premiers est fini, cela entraînerait plusieurs conséquences intéressantes :

  1. Limite de la recherche algorithmique : Actuellement, des ressources de calcul considérables sont investies dans la recherche de nouveaux nombres de Mersenne. Une finitude impliquerait que cette quête pourrait effectivement aboutir, libérant ainsi des ressources pour d’autres explorations mathématiques.

  2. Impact sur la théorie des nombres : La finitude des nombres de Mersenne premiers remettrait en question certaines hypothèses sur la distribution des nombres premiers et pourrait ouvrir la voie à des recherches sur d’autres types de nombres premiers, à l’instar des nombres de Fermat ou des nombres premiers de Sophie Germain.

  3. Utilisation dans la cryptographie : Bien que les nombres de Mersenne ne soient pas directement utilisés dans les algorithmes cryptographiques courants, leur rareté et leur prévisibilité pourraient fournir un cadre pour explorer de nouvelles méthodes de sécurisation basées sur des nombres rares ou particuliers.

 

Argument en faveur de la finitude des nombres de Mersenne premiers

L’observation de la corrélation linéaire presque parfaite est-elle un signe que l’ensemble des nombres de Mersenne premiers est intrinsèquement limité ? Plusieurs arguments peuvent être avancés :

  • Limite algorithmique : Plus les nombres de Mersenne augmentent, plus il est difficile de trouver des exposants premiers p qui satisfont la formule  Mp=2p−1 . Les tests de primalité deviennent de plus en plus coûteux et complexes, et il est possible qu’au-delà d’un certain seuil, aucun nouvel exposant premier ne donne un nombre de Mersenne premier.

  • Analyse empirique de la convergence : En observant la convergence vers 1 du coefficient de corrélation entre le rang et l’exposant, il semble que la relation entre les deux variables soit stabilisée pour un grand nombre de points, suggérant une forme de saturation. Ce constat pourrait être interprété comme un indicateur que le processus a atteint sa limite théorique ou pratique.

 

Conclusion

La possibilité d’un ensemble fini des nombres de Mersenne premiers offre une perspective nouvelle dans le domaine de la théorie des nombres. En analysant la forte corrélation entre le rang et l’exposant de ces nombres, il devient tentant de croire que nous approchons peut-être des dernières valeurs répondant à la formule de Mersenne. Si tel est le cas, il se pourrait qu’un "dernier" nombre de Mersenne premier soit découvert, au-delà duquel aucun nouvel exposant ne serait trouvé.

Les graphiques présentés ici illustrent l’évolution de la corrélation et la linéarité entre le rang et l’exposant, et renforcent cette hypothèse. Tandis que la quête se poursuit, les résultats empiriques et théoriques nous laissent envisager une nouvelle dimension de finitude dans ce qui était perçu comme une quête sans fin.

Etant donné que je suis un simple analyste de données tourné plus sur le côté techniqueque théorique, je me suis hasardé sur ce terrain d'analyse mathématique . La recherche d'une corrélation entre un nombre qui fait partie d'une liste notoire et le rang du nombre premier qui a servit comme exposant pour le trouver est loin de paraitre se loger dans une formule mathématique rigoureuse. Mais mon statut de simple analyste ne m'oblige pas à une certaine retenue académique qui me limiterait dans une recherche que j'espère fructueuse.